lundi 29 août 2016

A la découverte du Scoresby Sund - Groenland

Mardi 26 et mercredi 27 juillet
Vers la côte Est du Groenland : Objectif Scoresby Sund à bord de l’Embellie V, un ovni 385 appartenant à Jean-Pierre, un malouin d’adoption toujours de bonne humeur. Il connaît son bateau dans les moindres recoins (sauf la cachette à lait). L’Embellie a beaucoup bourlingué entre l’Irlande et la Baltique et connaît déjà les glaces du Svalbard mais le rêve de Jean-Pierre, c’est une virée au Groenland car la dernière tentative s’était soldée par un échec entre banquise et brumes épaisses. Sur le voilier, Isabelle et Paul Marie, un couple d’amis de Jean-Pierre, Hubert, ami skipper rencontré au Svalbard l’année passée et moi.

C’est donc parti maintenant « pour de vrai » : Deux jours de traversée, avec un départ d’Isafjordur, au près (vent de NNE)
Beaucoup d’oiseaux : fulmars boréaux, sternes arctiques, macareux moine, guillemots de Troil et Brunnick et pingouins Torda.
Puis, nous avons la surprise d’avoir la compagnie de puffins majeurs. Ceux qui nous avaient accompagnés de Tenerife au Cap lors de mon année sabbatique.
Nous nous appuyons sur le moteur pour remonter un peu plus au vent. Car pour l’instant, nous tirons plus vers l’ouest que vers le nord.
Activité principale : fabrication du pavillon de courtoisie groenlandais à l'aide d'une serviette de table rouge et d'un vieux tee shirt de Jean Pierre. Le pavillon créé à l'indépendance du Groenland représente un soleil rouge sur un horizon de banquise, et un iceberg posé sur le rouge, couleur du Danemark.


Le soleil disparaît quelques secondes pour réapparaitre aussitôt.

La « nuit » passe avec quelques bancs de brumes.
Nous terminons les derniers détails du pavillon pour le hisser car les montagnes du Groenland apparaissent au dessus d’un banc de brume qui longe toute la côte.



Il faut veiller les premiers icebergs. La vision est assez magique. Entre brume et grand bleu : des apparitions fantomatiques.



En soirée, nous passons le cap Koster et rentrons dans Aulnay Bugt où les Imray nous ont signalé un mouillage. En préparant le mouillage, je lève le nez et sur la berge, le comité d’accueil est là : un gros ours mâle qui descend peu à peu dans l’eau et se met à nager près du bateau.





Jeudi 28 juillet : Aulnay Bugt – Knigton

Pour entrer la veille dans cette baie, la brume s'était dissipée. Heureusement car nous nous sommes rendu compte que le GPS ne nous positionne pas du tout au bon endroit sur les cartes (que ce soit Maxsea, les CMaps, ou les rasters donnés par Sylvain (un grand merci à lui) qui nous rendront grand service car nous permettant de bien repérer la forme de la côte) et c'est différent suivant les cartes! Et tout au long du séjour, impossible de prévoir car le positionnement n'est jamais avec la même erreur.
Donc elles ne pourront nous servir que pour avoir une idée du dessin de côte.
Sur tout le parcours, nous retrouvons les bancs de brume et du vent assez fort au passage des caps.
Entrée dans la baie Barclay pour le mouillage de midi à Host Havn .
Redépart : il nous faut slalomer avec l’aide du radar et du sondeur entre les icebergs et la côte, car impossible d'avoir confiance dans les traceurs.  (photos : Hubert Delahaye car je suis à la barre et concentrée)




Entrée dans Knigton Fjord. Mouillage dans la lagune de droite par 4 m de fond. Pas mal de familles d’Eiders sur les berges.



Vendredi 29 juillet : Knigton - Kap Dalton – Grand beau temps
Entre le cap Ewart et le Cap Dalton, des baleines mégaptères (à bosses) nous font un magnifique show, tantôt d’un côté du bateau, tantôt de l’autre. La nourriture doit être là car les fulmars sont en nombre eux aussi.








En reprenant notre route, j’aperçois une forme dans l’eau : un phoque ?... Non, un ours qui nage assez loin de la côte.




Nous mouillons dans la lagune de Kap Dalton, il fait super beau et nous décidons de fouler le sol Groenlandais. Un coup d’œil sur 360 degrés, c’est bon, pas d’ours en vue. Deux tours d’annexe, pénard à la rame…
Nous allons en direction de la cabane du chercheur Knud Rasmussen (1932) :  beaucoup de bois flottés, galets…
Quand tout à coup, un cri : l’ours ! En face de la lagune. Il faut regagner dare dare l’annexe et là un seul tour, pas de chichi et les coups de rames ont changé d’allure, car l’ours est lui aussi entré dans l’eau et nage vers nous… Il nous croise sur le côté… chacun se regarde et ouf, nous sommes tous à bord de l’Embellie. (Il faut dire que nous n’avons que le pistolet d’alarme car nous devons louer un fusil au village inuit)








Nous ressortons de la lagune au sondeur et au radar dans une brume épaisse. 



mouettes tridactyles sur leur glaçon




Et direction le Turner sound : un passage étroit et parfois peu profond. Le mouillage est indiqué dans un renfoncement vers le nord mais le talus nous surprend : bing, échoué, il nous faut relever avec difficulté la dérive. Quant au safran, le fusible a sauté… bref, nous retournons dans des fonds plus appropriés.




Samedi 30 juillet : Turner sound – Ittoqqortoomiit
La sortie du Turner sound n’est pas toute simple car parfois, il y a des remontées de fond subites !
Nous remontons face au vent au moteur, appuyé sur le GV. Nous cherchons vainement une île sur la carte… Mystère, elle n’existe pas. Sur la côte de beaux glaciers descendent jusque dans la mer et nous croisons de beaux icebergs.





Arrivé au cap Brewster, occupé par de nombreux oiseaux, pas facile de voir à l’œil nu mais vu les escadres que nous croisons, je dirais qu’il y a des fulmars, des guillemots de Brunnick, des mergules nains et des mouettes tridactyles.
Kap Brewster

la falaise aux oiseaux du Kap Berwster


Vers Kap Tobin

Le vent s’invite pour la traversée du Scoresby Sund et c’est à la voile que nous arrivons devant le village inuit d’Ittoqqortoormiit : mouillage arrosé comme il se doit au champagne car on doit aussi arroser un anniversaire...
Uunartoq : petit village au Cap Tobin
Uunartoq : petit village au Cap Tobin


Au loin, Ittoqqortoormiit



Dimanche 31 juillet : Balade dans Ittoqqortoormiit
Ittoqqortoormiit « Ceux qui vivent dans de grandes maisons » est un village créé de toutes pièces par les danois en 1924 pour asseoir leur autorité sur le territoire nord du Groenland. A cette époque, on a donc déplacé une soixantaine d’inuits venant de la région d’Ammassaliq 900 km plus au sud. La commune fait 420 000 Km2 soit la superficie de la Grande Bretagne.
Actuellement, on compte environ 450 habitants dans le village même et une centaine de plus sur deux autres villages dont celui du Cap Tobin (Uunartoq) et Ittajimmiit que nous avons doublé la veille plus à l'ouest.







Les habitations sont de type scandinave, ce qui en fait un village très coloré avec un code dans l’utilisation des couleurs : Le bleu est réservé aux locaux techniques : hangar, groupe électrogène, gymnase, le marron (scandinave) aux locaux communs : maison commune où les habitants peuvent aller prendre une douche, faire une lessive ou se rencontrer, école, église protestante…, l’hôpital est en jaune, la mairie en vert foncé.

Gymnase

crèche

hôpital

église (protestante)
Maison commune
l'école

Ensuite, chaque habitant a reçu une maisonnette colorée…
Le village est largement subventionné par le Danemark et chaque famille reçoit une pension toutes les semaines. L’activité principale reste la chasse et la pêche. Suivant la saison : ours (avec un quota), phoque, bœufs musqués, renard et lièvre.
Le supermarché Pilersuissoq est ravitaillé trois fois par an par un cargo de la Royal Arctic venant du Danemark. Et justement, le cargo est annoncé pour le lendemain de notre passage… Cela fait 10 mois que le village n’a rien reçu et l’impatience se fait sentir. Il faut dire que beaucoup de rayons sont vides notamment les légumes, les fruits et les bonbons.
Certains rayons sont vraiment vides

Sauf celui des armes


Au-dessus du village, une piste d’atterrissage d’hélicoptère permet de rejoindre la piste pour les avions, qui est 50 km au fond du fjord voisin : Constable point (c’est une piste qui avait été prévue pour de la prospection minière et qui finalement assure une liaison avec l’Islande deux fois par semaine)

Après un bon petit déjeuner au son de la messe en inuit et danois sur la radio locale, nous débarquons au quai en étant persuadés d’être depuis deux jours à l’heure groenlandaise (soit 4 heures de moins qu’en France) C’est ce que nos téléphones portables nous ont indiqué ! Sauf que nous nous rendons vite compte qu'ici, il faut rester à l’heure islandaise : 2 heures de moins qu’en France. Dans tout le reste du pays, on décompte les 4 heures !!! Si nous avions lu correctement le guide sur le Groenland!) Bref, nous nous baladons à l'heure du repas de midi, et c’est très calme ce dimanche.
De temps en temps, un quad traverse le village à toute allure avec le papa aux manettes de gaz (il n’y a vraisemblablement que deux positions : arrêt ou à fond les manettes !) maman juste devant et bébé sur ses genoux.
Nous montons tranquillement jusqu’au cimetière puis redescendons vers la partie de la ville qui semble plus ancienne.









Photo : Hubert Delahaye
place



phoque qui sèche sur les séchoirs

Partout des chiens tenus en laisse que l’on ne nourrit que très peu l’été « car il ne servent à rien » donc il ne faut pas trop les approcher car ils pourraient être agressifs. Et par moment, un concert de hurlements comme des loups commence sans que l’on ne connaisse la raison…Les traîneaux sont souvent devant les maisons. Seuls les chiots sont en liberté et viennent se faire caresser.








En attendant l'hiver

les harnais





Lundi 1er août
 : tâches diverses sur l’Embellie
Le village a déjà plus de vie le lundi.





De notre côté, c'est plutôt activités utiles :

Phoque pendu à l'échelle du quai

Prendre une douche à la maison commune,
Maison commune

Maison commune

faire quelques courses, aller louer un fusil à Nanu Travel, ravitailler en eau (à chaque voyage, 30 litres) puis assurer le ravitaillement en gasoil : un pick up vient nous chercher pour amener des bidons vers les réservoirs de gasoil  et c’est dans une position très inconfortable que nous traversons le village !!!



Nous allons au Art shop tenu par Jennifer, une canadienne qui enseigne dans une école de la deuxième chance où les jeunes peuvent reprendre des études et faire des objets artisanaux qui sont vendus dans ce local. Quand nous réembarquons, une brochette d'enfants essaye d'entamer la conversation.
Photo : Hubert Delahaye


Mardi 2 août – A la conquête du Scoresby Sund– temps couvert le matin puis vent d’est  5



côte sud du Scoresby Sund
côte sud du Scoresby Sund

Le Scoresby Sund est le plus vaste fjord du monde, c'est aussi le plus grand complexe de fjords du monde. A son embouchure, il fait plus de 40 kilomètres, puis il s’enfonce vers l’Ouest sur une distance de plus de 120 kilomètres avant de se séparer en plusieurs fjords très longs eux aussi et il couvre une superficie de 38 000 km2 (plus grand que le Danemark!). Bref, c’est le royaume des superlatifs. Et comme l’air est très pur, la visibilité est aussi grande qu’en Antarctique, et ce qui peut sembler très proche est en fait très loin.
Le climat est arctique soit très froid l’hiver (sans jour) et entre 5 à 10 degrés l’été (Pour nous, ce sera plutôt entre 5 et 20 degrés !)
Le sund (détroit) est pris par la banquise une grosse partie de l’année et généralement, on peut y entrer à partir du 15 aout mais cette année est exceptionnelle et la glace est partie très tôt. Nous avons donc une chance incroyable.
C’est cette remontée vers l’ouest qu’il nous faut parcourir ce mardi, et les vents nous y pousseront sous génois seul dans le calme : impeccable.

Nous croisons le ketch danois « Donna Wood » qui fait du charter.


La côte nord est assez basse en altitude avec le village de Ittajimmiit au Cap Hope. Par contre, la côte sud a de belles montagnes avec des glaciers, à faire pâlir les glaciers alpins : magnifiques calottes glacières.

Plus nous nous enfonçons vers l’ouest, plus nous croisons des icebergs et des growlers.


mergules nains

mergule nain




Nous visons l’île Danmark qui a plusieurs mouillages intéressants, dont l’un d’entre eux, Hekla Havn, nous semble particulièrement bien protégé…


Il est 23h, et surprise, un voilier est déjà là au mouillage. Pavillon finlandais, serait-ce Mikko et son voilier Ninni, un marin finlandais que Jean-Pierre a déjà rencontré en Norvège puis au Spitzberg? C’est un miracle de le retrouver dès le premier mouillage car le territoire est grand et Mikko a profité des très bonnes conditions pour partir sans nous attendre. Il a déjà fait un premier tour d’une semaine et va nous transmettre toutes les infos.

Mercredi 3 août : Hekla havn (île Danmark)
Le mouillage d’Hekla havn est très joli (de type Ny London au Spitzberg), entouré de granites roses arrondis. 


Après les essais de la carabine louée à  Ittoqqortoormiit (une grande première pour moi !), nous débarquons auprès d’une cabane de chasseurs.
Il faut dire que ce mouillage connu depuis les expéditions de 1891-92 a été le départ de l'exploration de tous les fjords. Et donc, la cabane qui a été rénovée récemment pour les chasseurs inuits et les scientifiques a été construite il y a fort longtemps...








L'île semble petite sur la carte. En fait, il y a de quoi faire de belles randonnées car ici tout est grand, et les paysages variés : entre tourbières, névés, petit lac... Au loin, les icebergs passent.
Les moustiques sont au rendez vous car le coin est bien humide, entouré de tourbières. On y retrouve toute la végétation arctique : forêt de saules arctiques et de bouleaux nains, au ras du sol, épilobes à feuille large, saxifrages à feuilles opposées, cassiopées tétragone, et des airelles des marais très bonnes. Il y a aussi pas mal de bolets pures qui s’avèreront très bons à manger.





Saule arctique

Epilobes à feuille large





Gentianes
Bolets pures, très bon!


Côté oiseaux, quelques bernaches nonnettes et des bruants des neiges ainsi que quelques traquets et des bécasseaux très probablement variables. Les grands corbeaux nous survolent aussi. Bien sûr la linaigrette dans chaque coin humide. Sur les hauteurs, quelques petits lacs…





Mikko n’a pas réussi à nous pêcher du poisson, alors il nous donne une viande d’un oiseau qu’il a chassé. A la description, je pense à du lagopède mais ça ne correspond pas vraiment car il parle de rouge et d’un long bec. Les cuisses sont belles… bizarre ?





Jeudi 4 août :  Hekla havn – Mouillage au nord de l’île Danmark - soleil
Nous migrons au nord de l’île Danemark, le vent souffle pas mal dans le fjord. Nous passons entre des îles et entrons dans un bras qui redescend vers le sud. Pas simple de trouver un mouillage, le talus est proche des rives alors il faut mouiller par 25 de fond, donc avec toute la chaîne + le câblot mais ça tient.

Belle balade sur les hauteurs avec un grand lac, on se croirait dans les Pyrénées.
On entend deux plongeons imbrins mais ils restent au milieu du lac et je n’arrive pas à les approcher.
Nous repérons les traces de bœufs musqués et trouvons des plumes de labbes.

 
Plongeon Imbrin

Plongeons Imbrins


Traquet



Saxifrages à feuille opposée

grand gravelot

grand gravelot

Ensuite, en annexe, nous allons jusqu’au fond de la passe, à l’endroit où l’île est très étroite. Un renard nous accueille et grimpe dans le pierrier. La vue sur le fjord et ses icebergs est superbe.







Vendredi 5 août : retour à Hekla havn- Grand bleu avec vent de type mistral de NW assez fort (5-6, rafales à 7)
Après un rangement de la cambuse car on n’arrive pas du tout à savoir ce qu’il y a manger, nous rebroussons chemin vers le premier mouillage d’Hekla. Le passage dans le Fønfjord est bien venté car on est au carrefour de plusieurs départs de fjords et il y a un phénomène d’entonnoir : le vent s’engouffre entre les falaises de chaque côté et prend de la vitesse. (les photos suivantes sont de Hubert Delahaye car je suis à la barre)









Samedi 6 août
 : remontée du  Fønfjord – 35 MN au moteur
L'île Danmark se trouve au départ d'une des deux branches qui entoure la grande île Milne. Le  Fønfjord part vers l'ouest.
Départ à 6h pour remonter au moteur le fønfjord face au vent, et au courant (2 nds). C'est un fjord impressionnant. D’un côté des falaises de 900m en granite, de l’autre côté, des montagnes avec glaciers de plus de 1500 et toujours plus d’icebergs sur le chemin. Lorsqu'un torrent tombe dans le fjord, les eaux ne se mélangent pas et la différence de couleur fait de jolis dessins. (méli-mélo de mes photos et de celles d'Hubert)






cascade d'icebergs








Arrivée au mouillage de  Flugeø  : un îlot et deux solutions, soit nous allons à gauche soit à droite, la meilleure place étant dans le creux de l’îlot mais la place est déjà occupée par trois glaçons ! Quel que soit l’endroit, il faut de toute façon mouiller par 25m de fond car le talus est très proche de la berge. Nous choisissons donc à droite car c’est mieux protégé du flot des icebergs qui défilent avec le courant.


Balade sur les hauteurs du mouillage




linaigrette
indices de présence mais de quoi?

indices de présence mais de quoi?


Photo : Hubert Delahaye

Dans la nuit, nous pensions être à l'abri des icebergs mais ce sera sans compter le changement de courant et dans la nuit, un gros glaçon vient nous chatouiller et s’échouer sur nous… Nous espérons juste qu’il n’est pas coincé sur l’ancre…
Ouf, les gars arrivent à remonter les 75m de chaîne et câblot tandis que je slalome entre les glaçons pour les éviter et nous déménageons de l’autre côté de l’îlot.

4h du matin...
Vendredi  7 août : Ankervig (vallée de Hjornedal) – île de  Sorteø
Nous traversons vers le campement d’été d’Ankervig. Pendant les dix semaines d'été, des familles inuits viennent s'y installer pour chasser le boeuf musqué. Ils viennent sur de petites embarcations remplies de bidons de gasoil, la main coincée sur la manette de gaz... En six heures, ils font ce que nous avons fait en deux jours! Ca doit cogner! Sur la berge, des enfants s’amusent et un groupe de pêcheurs prépare un filet à grosses mailles (30 cm) pour attraper des narvals pour des scientifiques qui vont arriver le lendemain en avion (une piste d’atterrissage a été aménagée au dessus du village) et poser des balises sur les animaux.

Ankervig


Préparation d'un filet pour attraper des narvals
Un autre filet est posé perpendiculaire à la plage pour la pêche de plus petits poissons. Des congélateurs sont pleins de viande de bœufs musqués, la glace étant prélevée directement à la source sur les icebergs. Nous montons jusqu’à la piste d’atterrissage bien sommaire. La végétation est très sèche.


jouets d'enfants

filet perpendiculaire à la plage


Un capitaine heureux



Départ ensuite vers le nord pour une île de grès rouge en face (Rødeø) où Mikko nous a indiqué un mouillage. L’île est vraiment étonnante mais le mouillage impossible car il y a déjà du monde : pleins d’icebergs se sont amassés sur sa droite!!!




le mouillage est déjà occupé!

Rødeø



Nous continuons donc dans le  Rødefjord en espérant passer car ça se densifie de plus en plus. Mais où est donc le glacier qui vêle d’aussi  gros glaçons… En regardant la carte d’un peu plus près, ce sont le Vestfjordgletscher et le rolege Brae et ça bouchonne dur au carrefour ! Nous trouvons un étroit passage avec un peu d’adrénaline car, ce serait ballot qu’un de ses mastodontes décide de se casser ou de se retourner au moment de notre passage mais c’est bon.

Mais, par où passer?




Icebergs - carrefour entre Vestfjorf et Rodefjord par annelaunois

 





Nous mouillons à l’abri d’un îlot à l’ouest de l’île de Sorteø , qui est entourée d’icebergs. L'ambiance sonore est là aussi : entre les coups de fusils des icebergs, les grondements quand ils se retournent, et les chutent de sérac... Dans la nuit, quelques petits growlers viennent chatouiller la coque de l’Embellie. Tour à tour, nous sortons pour les repousser avec la grande perche en alu. Mais rien de grave.


Lundi 8 août : Sorteø –  Rødepynt Harefjord
Nous longeons l’île et découvrons un premier bœuf musqué puis deux autres…
Malgré son apparence (de bison), le boeuf musqué fait partie de la famille des chèvres (et de fait, il nous prouvera qu'il grimpe très bien). C'est un des survivants des animaux préhistoriques. Il rappelle les dessins que l'on trouve dans des grottes comme Gargas. Son pelage peut atteindre 60 cm ce qui lui permet de très bien supporter l'hiver. Les inuits l'appellent "omingmak" : l'animal dont la fourrure est comme une barbe.
Le mâle peut faire plus de 300 kilos. Normalement, nous n'avons pas trop à craindre une attaque sauf s'il y a un petit à défendre. Nous en verrons plusieurs seuls, mais aussi en petits groupes.



Nous allons repérer le mouillage au nord de l’île : il est bien aussi.
Nous traversons le  Rødepynt jusqu’aux magnifiques falaises de pudingues rouge. De grands défilés descendent jusqu’à  l’eau. Certaines cavités sont fientées mais je n’arrive pas à voir d’oiseaux.










Mouillage au cap Rødepynt avec quelques bernaches et eiders.




Nous remontons ensuite le Harefjord vers les glaciers du fond. Ceux-ci ont bien reculé. Un bateau piloté par un autochtone vient nous saluer : ce sont trois scientifiques français de l’Inra et CNRS qui vont installer un campement pour étudier les glaciers, la biologie et la géologie.







Puis, nous cherchons le meilleur mouillage parmi trois criques. La première est assez profonde mais va passer de 60m à 2m…
Oups, marche arrière.
Nous passons la deuxième car la troisième semble plus accueillante, elle a un îlot au centre et donc deux entrées : la première laisse apparaître quelques têtes de roche, l’entrée de droite sera la bonne.
Très chouette mouillage que Ternevigene quand on sait où se mettre!





Mardi 9 août : Ternevigene – grand beau temps
Randonnée à la recherche des bœufs musqués en partant sur la droite du mouillage au-dessus du fjord.
Puis, nous longeons  les nombreuses crêtes. Toundra assez sèche de bouleaux nains et saules arctiques.


 
Jeune traquet motteux




Tout à coup, Jean Pierre s’arrête brutalement nous intimant l’ordre de ne plus faire aucun bruit : en avançant sur la pointe des pieds, nous découvrons un superbe lièvre arctique : il mange, se nettoie puis s’éloigne en sautant comme un kangourou (il semble avoir des pattes avant assez courtes).

Lièvre arctique






Lièvre arctique par I. Dupuis


Pique-nique au bord d’un des nombreux petits lacs de tourbière qui se nichent dans chaque trou. Nous surprenons un bœuf musqué qui s’enfuit assez rapidement. Redescente tranquille dans une véritable forêt!
forêt de saules arctiques et bouleaux nains

Nous surprenons un autre bœuf musqué dans un parterre de linaigrettes.



Mercredi 10 août : Ternevigene – Terassepynt – grand beau temps
Entrée dans le Rypefjord : nous allons jusqu'au bout du fjord et croisons un groupe de kayakistes. Au bout, un très grand glacier qui descendait jusqu'à l'eau par deux endroits mais maintenant, il recule beaucoup. Mouillage à Terrasepynt : assez ouvert, il vaut mieux que le vent ne souffle pas trop fort.
Petite balade au-dessus, à la recherche des bœufs. Nous en repérons quatre au loin quand tout à coup, nous nous rendons compte qu’il y en a un juste au-dessus de nous. Nous l’observons un long moment. Ça crapahute vraiment ces bestioles. Au retour, nous découvrons un bois de renne : ça restera un mystère pour nous car point d’animaux en vue.
Quelques bécasseaux sur les berges. Au loin, huit autres bœufs musqués.





séance de photos simultanées



Mikko arrive alors que nous nous couchons, il nous amène aussitôt du poisson : de l’omble chevalier (arctique) qu’il a fait mariner que nous mangerons le lendemain : Humm, vraiment délicieux et très fin.

Jeudi 11 août –  øfjord – temps couvert
Au loin Mikko et Leila reviennent à la rame, ils nous amènent du poisson frais que nous échangeons contre du comté et du foie gras.
Nous sortons du Rypefjord


et entrons dans l’ øfjord. Majestueux, impressionnant… Bref, indescriptible.

Le fjord fait environ 4 milles de large. Sur 40 milles de longueur, d’un côté, sur la gauche, des falaises assez rouges tourmentées avec des tours et beaucoup de dessins.
De l’autre côté, une succession de falaises noires, glaciers, calottes…
Altitude : 1900m minimum.
Au bout du fjord, cela s’inverse : les falaises plus noires sont à gauche avec des aiguilles vraiment pointues et notamment la Grundtivigskirken (1882m) et à droite, le relief s’adoucit.



En face de Korridoren



Korridoren





Grundtivigskirken : 1882m







A 4 milles en face : l'øfjord (Nord de l'île Milneland)

Panorama sur l'øfjord par


Devant, c’est l’archipel de l’île aux ours. Nous entrons dans le mouillage de la première île avec sous les yeux ce paysage grandiose.

Vendredi 12 août :  Bjørneøer Jytte Havn - beau temps
Petite balade sur l’île aux ours, un lièvre détale devant nous. Sur des petits lacs, quelques grands gravelots.









Départ pour le fjord en face, Skillebugt vers le nord : au pied du glacier Apusinikajik (à partir de maintenant, nous avons une carte avec beaucoup de noms inuits !)





Nous traversons le Nordvestfjord vers Sydkap (Kangertertivarmit) en croisant d’énormes icebergs dont certains sont carrément un bout de glacier découpé à la serpe. Ils viennent du glacier Daugard-Jensen Gletscher au fond du fjord. Avec un peu plus de temps, il aurait été bien de remonter un peu dans ce fjord, car il semble que les icebergs que nous voyons là sont les plus petits : certains énormes sont échoués dans un passage du fjord qui est moins profond et qui les bloque : il ne fait que 400m de profondeur!!!






Nous nous dirigeons vers l'anse de Kengerterajiva qui nous semble sur le papier, parfaite pour mouiller mais elle est bouchée par plusieurs gros icebergs qui ne sont vraiment pas accueillants car ils pètent de partout : ça fait un gros bruit de coup de fusil. Donc direction vers le Cap où nous apercevons une première cabane de chasseurs, puis un peu plus loin deux autres cabanes : Kangertertivarmit. Petite balade pour découvrir les cabanes et admirer la vue sur la sortie du fjord où passent tous ces gros énormes icebergs.








Le mouillage est quand même un peu exposé et nous allons au nord de l’île en face : Ingmikertijajik
Samedi 13 août : Ingmikertijajik – Port Charcot – temps couvert puis soleil voilé (vent de SW5)
Nous nous dirigeons vers le campement inuit d’été de Kjoveland mais nous ne descendrons pas car le vent est assez fort. Nous observons donc de loin la vie de ce bout du monde. Ca bricole dure dans chaque cabane car la rentrée des enfants approche et tout le monde va repartir vers Ittoqqoortormiit.
Une petite fille va de maison en maison et à chaque fois trouve un adulte pour s’occuper d’elle.













Campement d'été inuit par annelaunois


Puis, nous partons direction Port Charcot mais comme c’est plus sud-ouest et que le vent vient pile poil de là, c’est au près que nous entrons au milieu de tous les icebergs avec un peu d’adrénaline dans l'air.





veille à l'avant

veille sous le vent





Dans les icebergs - Sortie du Nordvestfjord par annelaunois


Le vent se calme et nous terminons au moteur. Au-dessus de Port Charcot, nous apercevons le glacier Charcot qui semble être vraiment très beau. Il a vraisemblablement beaucoup reculé et laissé la place à une grande vallée alluvionnaire. Nous mouillons au nord par 6m de fond, juste à gauche d’un torrent qui charrie plein de cailloux. Le commandant est venu dans le Scoresby sund à plusieurs reprise à bord du "pourquoi pas".



Dimanche 14 août : Charcot Havn – Bredegletscher – beau temps
Balade en annexe pour rejoindre le fond de la baie puis montée au-dessus jusqu'à un point de vue qui permet de voir le glacier Charcot. La vallée alluvionnaire est vraiment très large avec beaucoup de tas de sable accumulé.






Puis départ plein sud en direction du beau glacier Brede que l’on aperçoit en face. Je suis à la barre sous voile au près et c’est vraiment très plaisant de barrer dans les glaçons. (Photos de Hubert)




Glacier Brede



Nous avions prévu de mouiller au fond d’un fjord au nord du glacier Bredegletscher mais finalement nous optons pour une petite anse (à l'est du glacier) protégée par une île couverte de sternes arctiques : Viking Bugt. Sur la droite, un iceberg colonisé par les mouettes tridactyles.

Lundi 15 août : retour ver Itto, au moteur, vent de face pendant presque les 70 milles.
A l’arrivée à Itto, nous voyons un feu d’artifice (en plein jour !) : sympa d’accueillir l’Embellie si dignement !
En fait, le lendemain, c’est la rentrée des classes, et c’est une manière de marquer la fin des vacances.


Mardi 16 août :   Ittoqqortoormiit - temps gris
courses diverses, ravitaillement en gasoil : cette fois ci, nous profitons de la cuve de 5000 litres commandée par le vieux gréement Donna wood pour récupérer 100L dans nos petits bidons. La cuve est apportée par une pelleteuse directement sur le quai.




On se prépare à rejoindre l'avion

En attendant l'ouverture du Pilersuisoq


l'intérieur de l'église protestante




Mercredi 17 août : Ittoqqortoormiit – Turner Sound
Nous allons récupérer le pain commandé la veille qui finalement ne sera cuit que pour 10h puis traversée du Scoresby sund au près par un vent, ce qui ne nous permet pas de passer le cap. Donc virement de bord et passage du cap un peu musclé car le vent s’accélère au pied de la falaise. Pour compléter le tout, la brume s’invite à la partie…


Kap Brewster



Puis nous longeons la côte au près nous appuyant avec le moteur. Et nous entrons dans le passage de Turner qui n’est pas si simple à trouver car il y a des hauts fonds (mais comme nous avons notre trace de l’aller, c’est plus facile)

Jeudi 18 août : couvert
En ressortant du Turner sund vers le Rømer Fjord, cinq zodiacs du polar pionneer (un petit paquebot) vont d’une rive à l’autre avec leurs touristes. Une guide nous signale un ours. Mais nous, ce que nous cherchons, c’est la source d’eau chaude indiquée par Mikko. Nous la trouverons sur la rive gauche du fjord près d’une cabane. Pas de doute, les fumerolles apparaissent dans la brume ! Nous débarquons avec précaution à cause de l’ours. Partout la présence d’un campement de chasseurs avec des os (vertèbres de mammifères mais nous ne savons pas desquels il s'agit). Nous rejoignons la source principale qui sort d’un petit cratère. Polémique dans l’équipage : est il naturel ou non ? Pour moi, oui...
Si quelqu’un a la réponse, merci de nous la donner.
Bref, l’eau sort à environ 50° (Nous n’arrivons pas à laisser longtemps notre main) mais dans un petit bassin juste en dessous, elle a le temps de refroidir un peu et Jean Pierre en profite pour se laver. (Photos de Hubert)















Ensuite, départ vers la lagune du cap Dalton que nous rejoignons dans une brume épaisse au radar, sondeur et sur notre ancienne trace.
Vendredi 19 août : retour vers Isafjordur – Vent de sud 5-6, rafales à 7
En sortant de la lagune dans la brume, nous sommes cueillis par un bon vent de sud… C’est ballot, c’est là qu’il faudrait aller ! Donc nous partons au près vers le sud-est. Derniers icebergs...
A la barre, c’est un peu coton car la mer est forte (creux de 4m).




A la barre - Départ du Cap Dalton par I. Dupuis


Puis tout au long de la journée, le vent va faiblir et la mer s’aplatir pour terminer dans la nuit (qui est revenue un peu) par une mer d’huile. C’est là qu’Hubert vient me réveiller : « Anne, une aurore boréale » Elle est juste suggérée mais on la devine.
Je profite de mon quart ou le soleil réapparaît pour photographier les fulmars (mais malheureusement pas les puffins majeurs car pas très coopératifs.)













Passage auprès du cap qui permet d'entrer dans le fjord qui mène à Isafjordur.
Falaise aux oiseaux désertée, il ne reste que quelques jeunes mouettes tridactyles, très jolies d’ailleurs avec le dessin noir et fin de leurs ailes.


Nous arrivons à Isafjordur au près serré après avoir bien hésité sur notre destination (les garde-côtes ont dû en perdre leur géographie !)

Dimanche 20 août : Isafjordur
Grand séchage sur l'Embellie : il faut dire que l'Embellie a une fâcheuse tendance à la condensation.


Ravitaillement en gasoil et frais. Petite balade au dessus de la ville (où ont été aménagés de grands pare avalanche). Piscine privée pour nous tout seuls (il n’y a personne).

les pare-avalanches d' Isafjordur



Le Boréal (un voilier rencontré au Spitzberg) est allé pêcher et nous donne deux cabillauds.


Lundi 21 août : Isafjordur-Olafsvik – vent de nord est
Au portant, sous foc seul, nous longeons les fjords du nord-ouest de l’Islande. Nous passons la très belle falaise aux oiseaux de Latrabjarg qui est elle aussi déserte. L’endroit est mal pavé et il y a beaucoup de courant. Au loin, on aperçoit le volcan Snaefellsjökull majestueux. C’est le volcan qui a inspiré Jules Verne pour son « voyage au centre de la terre »







Bjargtangar













au loin le Snefellsjökull

Dans la nuit, le vent forcit, et nous terminons au près avec le génois bien enroulé et deux ris.
Et au petit matin, nous arrivons sur Olafsvik pour laisser passer le coup de vent annoncé par les gribs et qui a quelques heures d’avance. L’amarrage est un peu délicat car le vent souffle.

Mardi 22 août : Olafsvik – Reykavik
Petite balade dans ce village de pêcheur.






Puis redépart. Nous contournons toute la péninsule du volcan Snaefellsjökull. C’est vraiment très beau vu de la mer.





Dans la nuit, de nouveau réveil rapide « Anne, Jean Pierre, cette fois-ci, une vraie de vraie aurore boréale »
Et je dois bien dire que c’est magique. Ça évolue sans cesse : un vrai ballet.
Pour terminer en beauté le périple, on ne pouvait rêver mieux.